Confessions

Cancer est pour moi, bien plus qu'un film réalisé pour La Cartoonerie. Pour moi, il s'agit non seulement d'un nouveau genre, mais aussi d'un journal intime. Cancer, c'est clairement mon échappatoire, mon moyen de me vider la tête au travers d'histoires que je renferme depuis (trop) longtemps.

Je n'ai jamais vraiment parlé de moi. Premièrement car je n'apprécie pas le faire, déjà, mais aussi et surtout car j'ai du mal à me confier, à fermer les yeux sur les risques encourus par les confessions à qui que se soit.

Et avec Cancer, j'évacue tout ce que je n'ai jamais évacué, je retranscris au travers des histoires de Thomas, un ressenti et un vécu. En bref, je vide mon sac grâce à ce cartoon.

Parce que La Cartoonerie a toujours été cette cours de récréation dont j'avais besoin pour me vider l'esprit, pour me détendre, pour rire.

Mais en grandissant, le site à perdu de son intérêt à mes yeux. J'ai peu à peu perdu le fil par rapport au site, et le bonheur que je ressentais en animant était clairement altéré. Et puis le temps a passé, Thomas, Will et les idées de scénarios de Cancer s'infusaient en moi, et le besoin de le retranscrire, non pas par écrit, mais par cartoon, c'est imposé à moi. J'avais besoin de partager ce que j'avais au fond de moi, et les images claires et tintées d'un soupçon de bonheur que je créais en animant était la seule alternative pour que je le fasse.

J'ai donc mis en scène, peu à peu, les personnages, je leur ai crée une identité, un bagage, un vécu. Chacun d'entre eux est devenu une facette de moi. Ils exploitent tous plus ou moins ce que je ressens, ce que je suis, ce qui me constitue. La joie de vivre de Will mêlé a son innocence - son inconscience presque - ou la crainte constance en Thomas sont autant de points qui brûlent en moi. Et il fallait que je les extériorise.

C'est ce que je m'efforce à faire depuis : ne pas perdre de vu cette objectif. Garder chacun leur caractère, leur point distinctif, sans pour autant que le reste de ma personnalité n’empiète sur eux. Je me dois de continuer jusqu'au bout, à développer qui ils sont et pourquoi. Qu'est-ce-qui a fait d'eux ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. Ce qui fait que je suis devenu ce que je suis aujourd'hui.

Alors je dessine mes émotions, je les peins. Je représente au maximum les réactions, les sentiments. J'ai le besoin de faire passer des symboles, des images. Et même si mon vécu ne ressemble en rien à celui de Will, il me permet de restituer ce que j'ai vécu et ma manière de l'interpréter.

Cancer est mon journal intime, et je vais vous y faire pénétrer avec moi.

 

Pourquoi cancer ?

Je comprendrais parfaitement si certains d'entre vous se demande, encore après ce que vous avez lu, pourquoi j'ai choisi de parler du cancer d'une manière qui tend à retranscrire la vérité et qui n'a pas forcément pour objectif de faire rire, comme le ferait un dessin animé standard.

Et bien, la raison est en fait ancrée en moi depuis quelques années. Bientôt dix ans maintenant.

Il y a quelques années, donc, ma grand mère est tombée malade d'un cancer. Une maladie que beaucoup de gens ne connaissent que trop bien et qui ne m'a très certainement pas atteint que moi, et qui continuera de ravager des familles pendant encore des années jusqu'à ce qu'un traitement réellement efficace ne soit trouvé. Le cancer est une ordure qui ronge les individus et l'impuissance que j'ai ressenti face à cette chose était telle qu'elle m'a profondément heurté.

J'avais dix ans lorsque le cancer de ma grand mère l'a emporté. Dix ans que j'ai partagé avec elle, et que beaucoup n'ont pas eu la chance de partager avec leur propre mamie, j'en suis conscient.

Alors bien loin de moi cette idée de me plaindre, de me lamenter sur mon sort.  De toutes manières, la vie est faite ainsi, d'arrivées, de départs, de victoires et de défaites. Je sais qu'on ne peux rien y faire, et je n'ai pas la prétention de dire que j'ai la solution à quoi que se soit.

Toujours est-il que ce cancer, qui a tué ma grand mère, m'a en même temps terriblement heurté moi. Et il a laissé des marques terribles en moi, des images violentes.

J'avais dis ans, un âge ou on désire tout savoir, ou on croit tout connaître, et ou la protection de nos parents nous laissent les yeux fermés sur le monde. Ma grand mère, malade, changeante, n'était plus celle qu'elle avait toujours été, peu à peu déformée par la maladie. Les derniers jours de sa vie, pour ne pas dire les dernières semaines, on m'a "empêché" de la voir, on m'en a intimé l'ordre. Elle me l'a demandé, pour elle, pour le souvenir que je garderai d'elle.

Et alors qui dit interdiction dit qu'il n'y avait pas de visite. Ou du moins peu. Et je ne l'ai vu qu'une seule fois à l'hôpital. Cette fois là m'a profondément marqué, m'a traumatisé presque. Je garde cette image d'elle, lorsque j'ai quitté sa chambre. Elle nous avait suivit jusqu'au dernier couloir menant sur la porte.

Son image, le reflet vide dans ses yeux, les larmes qui se dessinaient, son air malade, sa tenue de patient ... J'ai cette image qui me ronge ... Je savais, à ce moment là, que je ne la reverrais plus. Je savais que ce cancer était plus fort que nous, et qu'il l'emporterait sans que je ne puisse la revoir.

C'est pourquoi je me suis tourné vers Cancer. J'avais le besoin d'évacuer cette image de moi, car je l'ai trop de fois vu, trop de fois rejoué.

Et plus je grandis, et plus je sens les souvenirs qui m'échappent, et plus ma grand mère s'efface de mon esprit, déjà car tout semble irréel, et aussi car il ne reste en moi que cette violente image de ma grand mère mourante.

Alors oui, au départ, Cancer sort de là, de cette image d'hôpital qui résonne.

Ça peut paraître ridicule, peut être que ça l'est totalement d'ailleurs. Mais j'ai trop longtemps fermé les yeux là dessus, et je devais faire jaillir ce sentiment.

Je n'en ai jamais parlé, par pudeur, par fierté. Et j'ai le besoin de le faire.

 

 

Avoir écrit ses quelques lignes m'a vraiment fait du bien, et si tu as lu tout ce que j'ai déjà écris, alors il ne me reste plus qu'à te remercier, toi qui a prit le temps de rentrer dans mon monde, dans ma vie, et qui à cet instant précis peut-être me juge, ou apprécie cette confession.

Alors, malgré le fait que je ne suis pas sur de sortir Cancer un jour, car le temps me manque et que je ne veux en rien le bâcler, je voulais que les gens sachent à quel point il est essentiel pour moi.

Et si tu as compris ça, ou même si tu n'en saisis pas les enjeux, merci, infiniment, d'avoir lu ce texte.

Je tiens aussi à préciser que ce texte est spontané, je ne l'ai ni relu ni travaillé, j'ai écris lorsque j'en ai ressenti le besoin. Alors il se peut qu'il y ai des coquilles, des erreurs, mais peu importe au fond, puisque je n'ai pas écris ça pour rentrer dans la littérature, mais pour commencer la cure que je m'autorise avec Cancer.

 

Merci,

Théo.